Professeur à Huy et à Fribourg, le dominicain liégeois Servais-Théodore Pinckaers (1925-2008) fut l’un des meilleurs moralistes catholiques romains de sa génération, jouissant de l’appréciation positive du pape St Jean-Paul ii et du Card. Ratzinger. Membre de la Commission théologique internationale (1992-1997), Pinckaers contribua à l’élaboration du Catéchisme de l’Église catholique (1992) et de l’encyclique Veritatis splendor (1993).

Une caractéristique de Pinckaers était qu’il établissait une connexion intime entre morale et dogme, spiritualité, foi et raison. Il se détournait ainsi d’une morale de type kantien, fixée sur la raison, ses interdits et ses impératifs. Malgré ses mérites, cette morale rationnelle pourrait avoir contribué à l’affaiblissement actuel de la conscience morale, pouvant conduire, entre autres, à la demande d’inclure « le droit à l’avortement » dans la Constitution française. À cela, Pinckaers répond qu’il y a des actes « qu’il ne faut jamais faire » : voir p. ex. Ce qu’on ne peut jamais faire. La question des actes intrinsèquement mauvais (1995), ou, plus récemment, La spiritualité du martyre… jusqu’au bout de l’Amour (2000, cf. recension par B. Joassart, NRT 123, 2001, p. 318).

Le caractère unifié de la pensée de Pinckaers est aussi perceptible dans le livre que voici, de grande valeur spirituelle. Il s’agit du cours, édité par Luc-Thomas Somme, que l’A. avait donné sur la morale du pape St Léon le Grand. Chez ce Père de l’Église, les faits salvifiques rapportés dans la Bible deviennent une réalité accessible ici et maintenant par la contemplation de l’Écriture sainte dans la liturgie. Ceci est rendu possible en raison de l’assomption de la nature humaine par Dieu dans le Christ. S’exposant au pouvoir du Malin, le Christ l’a vaincu et, de la sorte, soustrait l’homme à ce pouvoir. Le regard sur la souffrance que le Christ a acceptée volontairement, par son amour, pour sauver l’homme du péché met dans l’humanité présente cet amour de Dieu par lequel l’homme est rétabli dans la justice. Ainsi, toute justice est rétablie. L’homme est bien justifié par « la foi qui agit à travers l’amour » (Ga 5,6). — R. Jajae o.m.i.