L’Homme n’est ni ange, ni bête

Bertrand Souchard
Philosophie - Recenseur : Pascal Ide

Ce livre fait partie d’un diptyque consacré à l’homme : le premier, doctrinal, s’interroge sur le propre de l’homme ; le second, plus historique, se penche sur le soi-disant humanisme postmoderne. Le point de départ qui sert de repoussoir est la négation actuelle massive d’une différence de nature entre l’homme et l’animal (donc d’une hiérarchie), et l’affirmation, au mieux, d’une différence de degré entre eux. Initiées chez Darwin, ces thèses se retrouvent dans l’éthologie, l’écologie profonde et l’antispécisme de Singer. Là contre, Bertrand Souchard, qui s’est spécialisé dans l’approche philosophique des sciences et du christianisme, énonce une thèse et une méthode originales. Il affirme que, pour penser le spécifique humain, il faut le comparer non seulement à l’animal, mais aussi à l’ange – ce que signifie le titre pascalien. Il évite ainsi d’adopter une posture trop réactive vis-à-vis du courant animaliste ; il prévient surtout l’objection, p. ex., présente chez Élisabeth de Fontenay, selon laquelle tout spécisme est platonicien, donc dualiste.

Mais l’A. s’arme doublement contre cette suspicion en adoptant une méthode inédite. Reprenant la tripartition aristotélicienne des degrés de vie, il va montrer, pour chacun d’entre eux que, chez l’homme, ils présentent des caractéristiques à la fois spécifiquement humaines et même ouvertes à ce qui dépasse l’homme en direction du religieux et, ultimement, du religieux chrétien, c’est-à-dire surnaturel. P. ex., même si la nutrition est un acte commun à tous les vivants, elle devient, par les rituels culturels, un acte proprement humain et, dans l’Eucharistie, un acte transcendant l’humanité. Ce dernier adjectif ouvre sur la thèse qui est plutôt synthèse de l’auteur. Après une longue induction très méthodique, très analytique, il repose sa question initiale sur l’altérité anthropologique et répond en convoquant une distinction qui lui est chère, celle de l’immanence et de la transcendance. En revanche, il fait appel à une méthode qui détonne dans l’aristotélisme : l’homme n’est ni immanence sans transcendance (animalisme qui réduit l’homme à la bête), ni transcendance sans immanence (platonisme qui réduit l’homme à l’ange), « il est l’un et l’autre et l’entre-deux des deux polarités irréductibles, la tension entre immanence et transcendance » (p. 192).

Comment ne pas se réjouir que, malgré sa « culture plus aristotélicienne » (p. 25), l’A. propose ce volet religieux qui est « plus pascalien et platonicien » (p. 12) ? Nous nous interrogeons toutefois sur la totale cohérence du propos : comment tenir qu’entre homme et animal, il y a une différence de nature (p. 11), s’il « est difficile de définir l’Homme », donc de connaître son essence, et si celle-ci n’a pas de réelle unité, mais est un « entre-deux » (p. 192) ? — Pascal Ide

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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