L’ange fait la bête. « L’humanisme postmoderne »

Bertrand Souchard
Philosophie - Recenseur : Pascal Ide

Comme la parole de Pascal qui leur donne leurs titres, les deux livres de Bertrand Souchard sur l’homme n’en forment qu’un. Mais ce deuxième ouvrage complète le précédent de deux points de vue : il est historique, alors que le premier est doctrinal ; il est polémique, alors que le premier est relativement serein. Son intention est de poser un diagnostic sur l’humanisme postmoderne qui s’avère, en réalité, être un « anti-humanisme » (p. 136-141) – d’où la présence de guillemets dans le sous-titre.

Dans un premier temps, Bertrand Souchard en brosse un tableau selon la tripartition aristotélicienne des vies, montrant que la raison se dégrade en raison instrumentale, la vie sensible en hédonisme consumériste et le corps notamment en fascination pour la mort. Puis, il passe en revue les visions de l’homme pendant les quatre périodes de l’histoire occidentale, les caractérisant par une note centrale : « L’humanisme grec est naturocentrique. L’humanisme médiéval est théocentrique. L’humanisme moderne est anthropocentrique. L’humanisme postmoderne est angélocentrique » (p. 12). Croisant cette première classification, l’A. discerne dans les quatre ou plutôt cinq grandes écoles grecques une typologie transhistorique : épicurisme, platonisme, aristotélisme, stoïcisme et scepticisme (chap. 3), retrouvant, p. ex., ces figures à l’époque moderne (p. 108). Il analyse enfin chaque pensée à partir de la même grille : anthropologie, méthode, éthique, théologie et cosmologie. Il termine l’ouvrage par une 2e lecture de « l’humanisme postmoderne » (chap. 6) qu’il propose de lire comme une gnose (avec ses cinq traits : rejet du monde ; rejet du créateur ; supériorité de l’esprit ; salut par la connaissance ; rejet de la Loi), un angélisme ou plutôt un culte démoniaque (p. 125) et une religion ou plutôt une spiritualité immanente.

L’on appréciera, comme toujours, la grande clarté du propos, la rigueur analytique et le souci d’argumenter. L’on se permettra d’interroger le livre sur deux points. Le premier concerne la méthode : si l’A. aime l’ordre (ce qui est louable), il est aussi friand de classifications (au risque d’opiner vers des jugements sans nuance). Le second concerne le contenu : la postmodernité se réduit-elle à cette mort de Dieu conduisant à la mort de l’homme ? Ne contient-elle pas aussi une heureuse critique du cogito exalté de la modernité (Ricœur) et, p. ex., les promesses d’une pensée dialogale et systémique, inconnue des périodes précédentes ? Qu’est devenue l’approche paradoxale qui, centrale dans le premier livre, y introduisait une salutaire souplesse ? — Pascal Ide

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